Le rapport de L'Igas sur le Médiator est un diagnostic sans appel sur le comportement des laboratoires Servier, et les manquements des acteurs de la régulation du médicament en France. Il appelle une remise à plat complète des pratiques et des relations entre tous les acteurs du système. 17 janvier 2011 | Vincent Bargoin Paris, France -- Le rapport de la mission de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) , chargée d'enquêter sur le Médiator, a été remis le 15 janvier dans la matinée aux autorités de tutelle [ 1 ] . Quelques heures plus tard, il a été publié en ligne et présenté à la presse par le Dr Aquilino Morelle , accompagné des deux autres chargés de mission, le Dr Anne-Carole Bensadon et Etienne Marie , ainsi que de Pierre Boissier , qui dirige l'Igas. En un mot, le bilan est accablant pour les laboratoires Servier , pour les diverses instances de régulation, pour les experts. Pour donner une idée du chantier qui s'ouvre, il suffit de citer l'intitulé des quatre parties que comporte le rapport. Comme l'a indiqué Pierre Boissier en préambule, « la loi (de 1996) donne compétence à l'Igas pour conduire des investigations dans les entreprises publiques ou bénéficiant de subventions publiques ». Il est donc entendu que les laboratoires Servier n'ont pas donné leur version des faits, mais aussi qu'aucune investigation n'a encore été menée directement à leur endroit. Les ministres de la santé successifs sont également hors du champ d'investigation de l'Igas. Et comme l'a souligné Xavier Bertrand lors de la conférence de presse qui a suivi la présentation du rapport, les choses vont maintenant se poursuivre avec les missions parlementaires et les actions judiciaires. Notons également que sur le plan méthodologique, le rapport de l'Igas s'est attaché aux sources écrites, les auditions visant essentiellement à mettre ces éléments en perspectives. Enfin, il s'agit d'un premier rapport. La mission de l'Igas entre maintenant dans une seconde étape, qui consistera à définir les grandes lignes d'un système de pharmacovigilance rénové. « En six semaines d'enquête, la mission a examiné une chaine de décision étalée sur une quarantaine d'années », a expliqué Pierre Boissier. En 6 semaines d ' enqu ê te, la mission a examin é une chaine de d é cision é tal é e sur une quarantaine d ' ann é e s — Pierre Boissier L'histoire doit en effet être reprise depuis la fin des années 1950, quand de nombreux laboratoires recherchaient des dérivés de l'amphétamine conservant ses effets coupe-faim, mais évidemment dépourvus des effets secondaires de cette molécule. Au début des années 1960, deux américains découvrent la norfenfluramine. De leur côté, après des années de recherche, les laboratoires Servier, très investis sur le sujet, découvrent la fenfluramine, qui donnera le Pondéral, et le benfluorex, qui donnera le Médiator. « Les trois molécules sont chimiquement très proches », souligne le rapport de l'Igas : « La norfenfluramine dérive de l'amphétamine (par ajout d'un groupement trifluoré sur le noyau benzène de la molécule d'amphétamine), la fenfluramine dérive de la norfenfluramine et le benfluorex dérive de la fenfluramine ». En 1969, des chercheurs du groupe Servier ont soutenu l ' id é e que les d é riv é s chimiques successifs appartenaient à une classe pharmacologique nouvelle … Les premiers pas d ' une doctrine qui sera constamment celle de Servier — Rapport Igas Pourtant, dès ce stade, une confusion commence à s'installer dans les esprits. Le rapport explique ainsi « qu'en 1969, un symposium s'est tenu à Milan, où des chercheurs du groupe Servier ont soutenu l'idée que les dérivés chimiques successifs appartenaient à une classe pharmacologique nouvelle, présentant une activité distincte de l'activité d'intérêt initiale, et concernant cette fois les lipides et les glucides ». Et dans cette division en deux familles distinctes, dotées d'activités distinctes, la mission dénonce « les premiers pas d'une doctrine qui sera constamment celle de Servier ». Pour illustrer la démarche du laboratoire, le rapport met en avant une requête adressée par Servier à l'administration en 1973, visant à faire annuler, dans la dénomination attribuée par l'OMS en 1971, le suffixe « orex », qui qualifie internationalement les anorexigènes (s'agissant de la molécule originale, l'amphétamine, la dénomination n'est conservée qu'en raison de son ancienneté). L'administration ne donnera pas suite à la demande de Servier. Mais pour les rapporteurs de l'Igas, il est clair que l'ambiguïté de positionnement du benfluorex du double point de vue de sa classe chimique et de son activité, a pesé lourd, lorsqu'en 1995, la fenfluramine et autres dérivés amphétaminiques ont été reconnus comme toxiques et que le Médiator, lui, est passé au travers des mailles du filet. Les choses auraient pu, auraient dû se passer autrement. Et l'on aborde là « l'incompréhensible tolérance à l'égard du Médiator ». Quand, après l'alerte donnée par le Centre de R é f é rence des HTAP (Hôpital Antoine Béclère, Clamart), l'étude coordonnée par le Pr Lucien Abenha ï m (étude menée de 1992 à 1995, à la demande de Servier) est venue confirmer le risque d'HTAP des anorexigènes en général, et de la fenfluramine en particulier, la Commission d ' AMM n'a pas été saisie pour réexaminer le cas du benfluorex. Pourtant, dans le même temps, la D irection G é n é rale de la S ant é interdisait la molécule dans les préparations magistrales. Et c'est bien en tant qu'anorexigène que la molécule était interdite. Mais la commercialisation de la spécialité pharmaceutique restait autorisée par l' Agence du M é dicament , qui ne semblait pas, elle, considérer le Médiator comme un anorexigène. Cette grave incoh é rence constitue une occasion manqu é e — Rapport Igas « Cette grave incohérence constitue une occasion manquée », souligne le rapport de l'Igas, qui précise encore que « le constat est d'autant plus consternant que, dans le même temps, une enquête officieuse de la pharmacovigilance était ouverte sur le benfluorex en raison même de sa parenté structurale » [avec la famille des amphétaminiques ] . Et cette parenté n'est pas qu'une affaire de conformation de la molécule. Comme le souligne le rapport, la mission de l'Igas a demandé à la direction de l'Afssaps d'établir une note sur la pharmacologie du Médiator. Selon cette note, le benfluorex est immédiatement transformé en norfenfluramine, la molécule de base de la famille. La norfenfluramine est aussi le métabolite retrouvé après prise d'Isoméride ou de Pondéral. Et il se trouve que la concentration circulante de norfenfluramine atteinte après prise des doses thérapeutiques de Médiator, d'Isoméride ou de Pondéral est exactement la même : 50 ng/mL. Durant 33 ans, les patients trait é s par M é diator ont en fait absorb é de la norfenfluramine à dose utile — Rapport Igas Ainsi, « durant 33 ans, les patients traités par Médiator ont en fait absorbé de la norfenfluramine à dose utile ». Alors, comment se fait-il que, depuis 1995, « le Médiator ait franchit sans encombre tous les obstacles ? » Lancé sur le marché le 1er septembre 1976, le traitement avait été autorisé deux ans plus tôt : une autorisation qui paraît « incohérente et inquiète », note la mission. Incohérente parce qu'elle couvre aussi le diabète, alors qu'elle émane de la même administration qui, en 1973, avait refusé à Servier la sortie du groupe des anorexigènes et la requalification de la molécule par suppression du suffixe « orex ». Inquiète parce que l'hypothèse est évoquée dans les débats, de la nécessité d'une surveillance particulière, au titre de la pharmacovigilance. Cette hypothèse ne sera pas suivie d'effet. S'ensuit un admirable chassé-croisé sur les indications réellement reconnues au Médiator. En 1987, la revalidation du Médiator, rendue nécessaire par une directive européenne (portant sur les médicaments validés avant le 1er décembre 1976), se limitera à l'hypertriglycéridémie, l'indication de diabète n'étant plus retenue. Cette décision sera d'ailleurs confirmée en 1995. « Néanmoins, l'Agence ne modifie pas formellement l'AMM d'origine, et l'indication relative au diabète perdure », souligne le rapport de l'Igas. « Enfin, lorsque cette modifi cation d'AMM intervient, le 16 avril 1997, elle sera de façon incompréhensible annulée le 5 juin 1997. La firme recevra un courrier l'autorisant à maintenir la seconde indication ». Servier ira d'ailleurs plus loin, puisque sur la base d'une grande étude dirigée par le Pr S Del Prato , le Laboratoire demande l'extension de l'indication du Médiator au niveau d'antidiabétique de première ligne, comme l'était alors la metformine. L'Agence rejette cette extension en avril 2000, puis le recours du Laboratoire en décembre. « Mais en juin 2001, elle admetin fine l'indication minimale initiale d'adjuvant au régime du diabète », souligne le rapport. « De 1987 à 2001, les responsables de l'évaluation du médicament de l'Agence ont donc fait passer la promesse de nouvelles études de la firme, études dont ils connaissaient pourtant les faiblesses, avant l'application de leurs décisions concernant la très faible efficacité du Médiator », conclut l'Igas. Si le système de délivrance d'AMM a failli, la pharmacovigilance n'est pas en reste. Quatre entrées dans le problème lui sont ouvertes :
Pourtant, pendant 10 ans, de 1995 à 2005, ce point ne sera pas inscrit à l'ordre du jour de la Com m ission Nationale de Pharmacovigilance (CNPV), en dépit de 17 réunions de son comité technique (CTPV). Au niveau européen, les italiens déposeront, à partir de 1998, des rapports qualifiés de « très documentés ». Mais « les échanges successifs conduiront à une sorte d'enlisement du dossier », estime l'Igas. Evènement intercurrent : les laboratoires Servier proposent en février 2001 un protocole clinique comportant notamment une étude sur la métabolisation du benfluorex et une étude échocardiographique. La mission de l'Igas n'a pas retrouvé trace de la réalisation de ces travaux. En octobre 2003, c'est au tour de l'Agence du médicament espagnole de signaler un cas de valvulopathie cardiaque à l'Agence européenne. Résultat, Servier demande le retrait du benfluorex en Italie et en Espagne. « La mission s'étonne que cette information n'ait pas été communiquée en ces termes, ni au CPTV ni à la CNPV ». La toxicité du benfluorex n'est pourtant pas une spécificité italienne ou espagnole. Le 10 février 1999, un cas de valvulopathie aortique est notifié au comité régional de pharmacovigilance de Marseille. Un cas d'HTAP est par ailleurs notifié en juin 1999 . Comme le remarque l'Igas, ces faits ne sont pas ignorés, puisque « l'unité de pharmacovigilance de l'Afssaps appelle très clairement l'attention du directeur de l'évaluation du médicament à l'Agence sur la nécessité d'accélérer l'évaluation du dossier benfluorex ». La note fait le lien entre parenté chimique avec les fenfluramines et l'inquiétude des cliniciens concernant l'HTAP et l'insuffisance aortique. Mais la mission signale n'avoir « pas retrouvé de réponse à cette note ». Elle estime aussi que « dans ce contexte, le benfluorex aurait dû figurer à l'ordre du jour de la CNPV du 7 juillet 1999, et non en questions diverses ». Or, le cas d'insuffisance aortique signalé un mois plus tôt par le comité de pharmacovigilance ne figurait pas parmi les documents préparés par l'Agence pour ce CNPV. Le retrait du M é diator aurait d û ê tre d é cid é d è s 1999 — Rapport Igas Globalement, la mission de l'Igas estime que « le retrait du Médiator aurait dû être décidé dès 1999 », compte tenu des éléments déjà connus à cette date et ne comprend pas « l'inertie et les proposition inadaptées de la pharmacovigilance ». Ainsi, lors de la CNPV du 25 avril 2005, « les signaux d'al ertes conduiront à des demandes de modification des RCP, et surtout d'études supplémentaires, malgré l'absence de renouvellement de l'AMM en Italie et en Espagne ». Ce n'est que le 27 mars 2007 que la CNPV va réexaminer le dossier dans son ensemble, et émettre un avis très argumenté pour demander la réévaluation du rapport bénéfice/risque du benfluorex. « Certains membres vont jusqu'à se prononcer sur un rapport bénéfice/risque défavorable », note le rapport. Mais « la commission d'AMM ne proposera pas le retrait du produit ». Et malgré l'avis plutôt critique rendu deux ans plus tôt, la CNPV du 7 juillet 2009 restera d'avis d'attendre les résultats d'études en cours — « dont l'une se termine au mieux un an plus tard », précise encore le rapport de l'Igas. Le 29 septembre 2009, enfin, la CNPV va officiellement considérer le signal de sécurité comme inacceptable, Servier, de son côté, continuant de plaider le maintien. À partir de là, les choses iront vite, avec l'étude menée par la CNAMTS, et l'envoi, par le médecin conseil national, d'un rapport préliminaire sur le risque de valvulopathies cardiaques associé au benfluorex, adossé aux résultats de l'étude. Le Médiator est suspendu à partir du 30 novembre 2009. La suite est précisément la mission de l'Igas, qui vient de rendre son rapport. Celui-ci pointe encore un canal, par lequel le retrait aurait pu avoir lieu : l'évaluation du service médical rendu (SMR). Le Médiator, remboursé à 70 % depuis son lancement en 1976, verra son remboursement abaissé à 65 % en 1993. À partir de 1999, le critère de SMR est instauré. De 1999 à 2001, la commission de transparence revoit 4490 spécialités, et estime insuffisant le SMR de 835 d'entre elles — don t le Médiator. Mais, avant d'en arriver au déremboursement complet, les gouvernements successifs préfèrent procéder par paliers. Entre 2000 et 2002, le prix du Médiator est baissé de 23,5 %. Son taux de remboursement (65 %), en revanche, ne bougera pas, malgré un projet visant à l'abaisser à 35 %. La Commission de transparence se prononce pourtant en faveur de cette option en novembre 2006. Mais seule l'indication d'hypertriglycéridémie est concernée. S'agissant du diabète, la commission sursoit à statuer, une étude de plus étant en cours, commanditée par Servier, et coordonnée par le Pr Moulin (Lyon), par ailleurs responsable de l'étude REGULAT E . Et comme le constate l'Igas, « le Ministre ne pouvait alors prendre une décision de déremboursement du Médiator, ni juridiquement (puisqu'il n'avait pas un avis formellement motivé de la Commission de la transparence), ni techniquement, le déremboursement d'une indication sur deux ne pouvant être ni géré par les médecins, ni contrôlé par les caisses d'assurance maladie ». L'indication du Médiator dans les troubles lipidiques est supprimée en juillet 2007 — et le rapport note d'ailleurs qu'à partir de cette date, « les prescriptions hors AMM exploseront pour se situer à environ 70 % ». Quoi qu'il en soit, après des ajustements de prix et de taux, c'est donc malgré tout jusqu'au bout que le Médiator bénéficiera d'un remboursement. C ' est pour des raisons tell e s que la d é fense des prescripteurs et des patients que la politique de d é remboursement a é t é é tal é e sur presque une d é cennie. La r é alit é veut, dans le cas pr é sent, que cet objectif all é gu é ai t conduit au r é sultat inverse — Rapport Igas « La politique de remboursement des médicaments dont sont responsables les Ministres, apparaît sous un jour paradoxal », écrit la mission de l'Igas. « C'est pour des raisons telles que la défense des prescripteurs et des patients que la politique de déremboursement a été étalée sur presque une décennie. La réalité veut, dans le cas présent, que cet objectif allégué ait conduit au résultat inverse ». Reste à signaler un aspect des choses, que le rapport de l'Igas mentionne au fil du texte, mais qui est peut-être celui qui prête le plus à réflexion. « La mission a eu connaissance de pressions exercées par des personnes appartenant aux lab oratoires Servier ou ayant des liens d'intérêt avec eux, sur des acteurs ayant participé à l'établissement de la toxicité du Médiator. La mission ne qualifie pas les pressions ainsi relatées. Elle procédera à un signalement de ces pratiques à l'autorité judiciaire en lui transmettant les pièces justificatives dont elle dispose ». C'est sibyllin. Au vu des constats, on se doute que les conclusions de l'Igas sont radicales. Elles prennent pourtant en compte le degré d'information des décideurs. « Aucun des directeurs généraux qui se sont succédés à la tête de l'Agence n'a été informé de manière correcte sur le sujet du Médiator » — situation qui toutefois « ne saurait exonérer ces directeurs généraux de la responsabilité qui était la leur de maîtriser les risques de gestion de l'Agence et de prendre les décisions de ressources humaines nécessaires, notamment dans le secteur de la pharmacovigilance, dont trois rapports d'audit externes (Igas/IGF, Cour des Comptes, rapport Girard) avaient souligné les faiblesses ». De la même manière, s'agissant des ministres, « il semble qu'aucune information sanitaire sur le risque du Médiator n'ait été portée à [leur ] connaissance avant que la décision de suspension ne soit imminente ». Néanmoins, et compte tenu des trois rapports pointant la faiblesse de la pharmacovigilance, « ces ministres successifs auraient dû être attentifs à la nécessité de renforcer et de rendre plus efficace ce dispositif ». Enfin, s'agissant du personnel de l'Afssaps, la mission reconnaît « la bonne volonté et le travail acharné de la plupart de ses agents ». Pour le reste, le rapport ne concède rien. Rien aux laboratoires Servier. « Le déroulemen t des évènements est très largement lié au comportement et à la stratégie des laboratoires Servier qui, pendant 35 ans, sont intervenus sans relâche auprès des acteurs de la chaîne du médicament pour pouvoir poursuivre la commercialisation du Médiator et pour en obtenir la reconnaissance en tant que médicament antidiabétique », est-il écrit dans le rapport. La mission précise avoir entendu à plusieurs reprises, lors de ses auditions, des témoins rapportant que la firme avait « anesthésié » des acteurs de la chaîne du médicament. Deux anciens présidents de la Commission d'AMM ont même estimé que ces acteurs ont été « roulés dans la farine ». Rien à l'organisation de l'Afssaps. « Surchargée de travail, empêtrée dans des procédures juridiques lourdes et complexes, en particulier à cause de l'articulation de ses travaux avec l'Agence européenne, bridée par la crainte des contentieux avec les firmes ». Dans le cas du Médiator, au moins, l'Agence est apparue à la mission comme « une structure lourde, lente, peu réactive, figée dans une sorte de bureaucratie sanitaire ». Rien au système de pharmacovigilance, qui a « failli dans sa mission ». Rien à l'articulation des différents dispositifs entre eux. « La multiplicité des instance sanitaires chargées du médicament, leur cloisonnement et la complexité de leur fonctionnement rendant le système lent, peu réactif et contribuant à une dilution des responsabilités ». Maintenant ces constats dressés, la mission de l'Igas doit se pencher sur une refonte de la pharmacovigilance. Dès à présent toutefois, le rapport met en avant certains enseignements, nécessairement formulés en termes très généraux. Compte tenu des exigences de la sécurité sanitaire, « m étier difficile et exigeant », où l'on travaille « chaque jour sous la pression », la mobilité des personnels est jugée « indispensable ». Dans cette affaire comme dans d ' autres pass é es et malheureusement à venir, ce n ' est pas l ' exc è s de principe de pr é caution qui est en cause, mais le man que de principe de pr é caution — Rapport Igas Le rapport constate également que le métier est « fortement influencé par l'environnement intellectuel et médiatique », et remarque que « depuis plusieurs années, les prises de positions publiques se sont multipliées pour dénoncer une hypothétiquetyrannie du principe de pr é caution ». Or, « dans cette affaire comme dans d'autres passées et malheureusement à venir, ce n'est pas l'excès de principe de précaution qui est en cause, mais le manque de principe de précaution », souligne le rapport. Le doute ne b é n é ficie pa s aux patients, mais aux firmes — Rapport Igas Dans le même ordre d'idée, l'idée ancrée, ou qui a été ancrée dans les esprits, selon laquelle l'AMM serait « une sorte de droit qu'aurait l'industrie pharmaceutique à commercialiser ses produits, quel que soit l'état du marché et quel que soit l'intérêt de santé publique des produits en question ». Dans l'évaluation du rapport bénéfice/risque, le jeu est déséquilibré. « La prise en compte du risque nécessite de fortes certitudes scientifiques, l'existence d'un bénéfice étant, elle, facilement reconnue », souligne le rapport. Et dans ces conditions, « la chaîne du médicament fonctionne aujourd'hui de manière à ce que le doute bénéficie non aux patients, mais aux firmes ». Enfin, la question de l'indépendance des experts. Plutôt que de conflits d'intérêt, la mission parle de « liens » et elle en dénonce « le poids ». Selon les règles de l'Afssaps, établies en 1993, ces liens, qu'ils soient financiers ou d'une autre nature, devraient être déclarés. Or, « ce n'est pas systématiquement le cas » — et le rapport précise que le propos est de l'actuel président de la Commission d'AMM. Pour la mission, la conception des liens d'intérêt doit être élargie et envisagée dans le temps. Le rapport note ainsi que « deux des responsables les plus importants de l'Agence, au moins, ont contracté, après avoir quitté leurs fonctions respectives, des liens financiers avec les laboratoires Servier ». Il s'agit de PU-PH, protégés par leur statut de la C ommission de d é ontologie , qui s'est déclarée en 2000 incompétente en la matière. Mais c'est précisément l'une des raisons pour lesquelles la mission souhaite « élargir le champ actuel des situations imposant la déclaration des liens d'intérêt ». La mission estime ainsi « souhaitable que tous les agents publics ayant à connaître des questions liées au médicament soient tenus de déclarer de tels liens. Il doit en être en particulier ainsi pour les membres des cabinets ministériels ». La coop é ration institutionnelle avec l ' industrie pharmaceutique aboutit à une forme d e coproduction des expertises — Rapport Igas Hormis même les conflits d'intérêt personnels, l'indépendance des expertises publiques a aussi des conditions structurelles. Et de ce point de vue, « la coopération institutionnelle avec l'industrie pharmaceutique » pose problème, en ce qu'elle aboutit à « une forme de coproduction des expertises et des décisions qui en découlent ». La mission juge ainsi que la présence « encore aujourd'hui » d'un représentant du LEEM (Les Entreprises du Médicament) dans les commissions, et parfois les groupes de travail, est « inacceptable ». De la même manière, la mission juge « inadmissible d'avoir programmé en décembre 2010 une table ronde surbenfluorex et valvulopathies dans le cadre des Journ é es Europ é ennes de Car diologie , présidée par les Prs G ene vi è ve Derume a u x et Bernard Iung », quand « ces deux experts, un an auparavant, avaient été mandatés pour représenter les laboratoires Servier au sein de la CNPV et de la Commission d'AMM de l'Afssaps portant sur le Médiator ». « Les présidents de cette table ronde ont, depuis, décidé de ne pas y participer », précise le rapport. À partir de ce cas, et quelle que soit l'opinion personnelle qu'ils en ont, les cardiologues peuvent se faire une idée de la rigueur avec laquelle la récente Commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêt dans la vie publique examinera la question des experts médicaux. La rédaction de theheart.org précise que l'article ci-dessus résume la synthèse du rapport sur le Médiator, lue par le Dr Aquilino Morelle lors de la présentation dudit rapport à la presse, le 15 janvier 2011, au Ministère de la santé. Les chargés de mission de l'Igas ont décliné toute demande d'interview, ainsi que les questions, « les réponses en séance, nécessairement approximatives, n'étant pas souhaitables compte tenu de la gravité du sujet et des constats ». Par ailleurs, la présentation proprement dite du rapport a été suivie d'une conférence de presse, lors de laquelle Xavier Bertrand a précisé les orientations qu'il compte donner à son action. En raison de la quantité d'informations délivrées, il n'était pas possible de rapporter les deux parties de cette réunion en un seul article. Theheart.org rendra compte des propos de Xavier Bertrand dans les meilleurs délais. Auteur : Philippe DA PRATO
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Mars 2011
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