Lancement de médicaments : un nouveau modèle s’impose pour l’industrie pharmaceutique par le Dr Denis Lefebvre, Fondateur de l'agence m-eden 16.12.09 1-Rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Septembre 2007. 2-Enquête Cegedim 2007. 3-Enquête Baromètre ETIK 2008 réalisée auprès de 500 médecins généralistes et spécialistes sur le thème du développement durable, du médicament et des ressources de santé. Résultats disponibles sur www.m-eden.fr Les enjeux de développement durable qui menacent la pérennité de notre système de santé offrent à l'industrie pharmaceutique l'opportunité de faire évoluer ses pratiques de promotion vers un modèle plus vertueux et ainsi d'améliorer son image en démontrant qu'il est possible d'être à la fois profitable et louable dans ce marché si sensible. En France, pays où la publicité directe des médicaments de prescription auprès du grand public est interdite, les médecins et les pharmaciens sont les cibles privilégiées des actions de communication des laboratoires pharmaceutiques. Le modèle traditionnel de promotion débute par une phase de sensibilisation sur les insuffisances des thérapeutiques existantes. Puis le nouveau médicament est lancé en fanfare, porté par sa "valeur médicale ajoutée". Il s'agit d'informer un maximum de médecins sur son mode d'action, ses performances, ses conditions de dispensation et de suivi en pratique. Dans un second temps, une offre de services (formations médicales, participation à des études, à des congrès, brochure d'informations à destination des patients...) sera déployée pour fidéliser les prescripteurs acquis ou conquérir de nouveaux prescripteurs moins convaincus. Le tout est encadré par une législation très stricte sur la publicité du médicament, qui garantit la véracité des informations et limite le montant des offres de services. L'industrie pharmaceutique adhère aussi à un code de bonne conduite, la charte éthique de la visite médicale. Mais aujourd'hui, confronté à l'explosion des dépenses de santé, ainsi qu'à la pression croissante de responsabilisation qui s'exerce sur l'ensemble des acteurs du monde de la santé, ce modèle a atteint ses limites. Il est de plus en plus critiqué. Il lui est reproché d'entraîner une surenchère de dépenses promotionnelles au détriment de l'investissement en recherche (dépenses de promotion estimées en France à 3 milliards d'euros, soit 12 à 14% du CA de l'industrie pharmaceutique, coût de la visite médicale : 25 000 euros par médecin généraliste et par an1,2), une pression de visite des médecins trop élevée (20% des médecins généralistes ont reçu jusqu'à 40 visites par mois1), un manque de transparence et d'objectivité des messages. Il vaut à l'industrie pharmaceutique une image assez ambigüe quant à ses pratiques de promotion et son niveau de responsabilisation(1,3). C'est que les attentes des professionnels de santé ont fortement évolué. Une étude réalisée par l'agence m-eden, démontre qu'ils sont devenus très préoccupés par les menaces qui pèsent sur le système de santé : diminution de la qualité de la formation médicale, fin de l'accessibilité pour tous à l'ensemble des thérapeutiques, apparition de déserts médicaux(3). Dans ce contexte, ils attachent une importance toute particulière aux comportements des laboratoires pharmaceutiques. Une très nette majorité de médecins souhaite que l'industrie pharmaceutique s'engage vers une approche plus durable de leur marché, visant à consolider les ressources du système de santé. L'étude a permis de mesurer les marges de progression : elles sont importantes. Face à deux médicaments ayant des propriétés et un prix voisins, l'effort consenti par le laboratoire vers ce type d'engagement fait la différence lors du choix de la prescription(3). Dans ce contexte, déjà de nouvelles pratiques s'esquissent. Le LEEM, syndicat représentatif des entreprises du médicament a signé le 25 mars 2009 une co nvention de progrès du secteur médicament dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Chaîne de fabrication des médicaments plus respectueuse de l'environnement, meilleure gestion de la biodiversité, partenariats solidaires avec les pays en voie de développement : un tronc commun d'engagements institutionnels se dessine. Il deviendra vite le nouveau standard du secteur. De difficiles restructurations sur le plan social visant à réduire la taille des équipes promotionnelles sont aussi engagées. Mais seule l'adoption d'un nouveau modèle de promotion du médicament, dit de "Communication Santé Durable", permettra de mieux répondre aux attentes des professionnels de santé français. En effet, pour ces derniers, une politique de développement durable en santé doit prioritairement viser à améliorer les conditions de leur exercice quotidien, aujourd'hui menacé. Comment fonctionne ce nouveau modèle de promotion durable d'un médicament ? Mieux faire et le faire savoir Le lancement n'est plus uniquement centré sur le médicament lui-même, mais fournit l'occasion d'un engagement sociétal plus global du laboratoire, dont la finalité est présentée au travers d'une "vision". En plus d'informer sur les bénéfices apportés par le nouveau médicament, le laboratoire propose un plan d'actions complémentaire, destiné à pérenniser le bon fonctionnement des ressources de santé qui prennent en charge la maladie concernée par le médicament. La "mission" détaille ce plan, l'objectif à atteindre et les critères de mesure sélectionnés. Les champs d'intervention sont multiples : les connaissances médicales, les pratiques professionnelles, le parcours de soin du patient, la coordination des professionnels de santé entre eux, l'éducation thérapeutique des patients... Il faut choisir le bon point d'attaque, en cohérence avec l'action du médicament et les budgets dispo nibles. Pour le laboratoire, une partie de ses dépenses promotionnelles se transforme ainsi en investissement sociétal, valorisable en toute transparence. Au final, il s'agit de passer d'une stratégie de moyens (proposer toujours plus selon le modèle traditionnel) à une stratégie contributive (prouver que l'on améliore durablement les choses avec une sélection d'opérations pertinentes). Pour les laboratoires pharmaceutiques, l'adoption d'un tel modèle présente de multiples avantages. Il contribue à mieux concilier les profits engendrés par le médicament avec la pérennité du système de santé. Il améliore les performances du lancement, optimise les dépenses promotionnelles, génère plus de transparence et d'exemplarité dans les partenariats avec les parties prenantes du monde de la santé, crée une meilleure image, facilite la gestion d'une éventuelle crise. Il dynamise la communication tout au long de la vie du médicament et lui apporte un supplément d'âme. Le monde change. L'année 2009 se termine par le sommet de Copenhague. Les Français s'avèrent être tout particulièrement concernés par les inégalités qui pourraient se creuser prochainement face aux défis du développement durable. C'est un signal majeur que les industriels du monde de la santé doivent intégrer dans leur réflexion sur le nouveau mode de promotion du médicament. Leur marché étant un marché contraint, à prix fixés, toute incitation des autorités sera la bienvenue. Pourquoi ce nouveau modèle de communication santé durable ne ferait-il pas l'objet d'un coup de pouce fiscal, pour le laboratoire qui l'adopterait ? Au vu des chiffres prévisionnels alarmants du déficit de la Sécurité Sociale, toute initiative visant à pérenniser les ressources de santé est à encourager. 1-Rapport de l'Inspection gé nérale des affaires sociales (IGAS). Septembre 2007. 2-Enquête Cegedim 2007. 3-Enquête Baromètre ETIK 2008 réalisée auprès de 500 médecins généralistes et spécialistes sur le thème du développement durable, du médicament et des ressources de santé. Résultats disponibles sur www.m-eden.fr Auteur : Philippe DA PRATO
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Juin 2011
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